06. J'ai un rendez-vous

Jerge Brannan © (Texte : Nau Quentin/Gaëtan Rogez ; Musique :Q. Nau )

Tout guilleret en me levant ce matin
L’amour va changer mon destin
J’ai rendez-vous avec Alice
Qui aime tant les myosotis
Rasé, coiffé et prêt à séduire
J’ai mis mes beaux souliers en cuir
Cherchant un fleuriste, je dois me presser
Car la femme – messieurs - n’aime point poiroter

J’ai un rendez-vous… avec l’amour
Tremblant du genou, j’vais faire la cour

D’un pas hâté, j’atteins la rue
Malheureusement, non, je n’avais pas vu
« Fleuriste en deuil ! », pas de myosotis
Car c’était le jour de l’armistice
Contrarié et rouge de colère
Cherchant une issue à cette galère
Il me faut trouver une fleur dare-dare
Le temps s’écoule et je suis en retard

J’ai un rendez-vous… avec l’amour
Tremblant du genou, j’suis à la bourre

Fêtant les morts de la seconde guerre
L’armée est au pas et les fusils en l’air
Fleurissaient les tombes de beaux pétunias
Je me dis : « les pétunias ? Eh bien, cela ira ! »
Je n’ai pu saisir qu’un bout pétale
Pris sur le vif, v’là qu’on me tire dessus
Sautant par-dessus les tombes je détale
Pour quelques fleurs fanées mon dieu est-ce qu’on tue ?

J’ai un rendez-vous… avec l’amour
Tremblant du genou, je risque lourd

Pénétrant dans un grand jardin public
Je me décide à prendre ses tulipes
Seul’ment je n’avais point vu le flic
Qui me siffle furieux : crénons d’une pipe
« Menu fretin, dit-il de sa matraque
A la main : « je te rosse si je t’attrape »
Le voilà qui court dans ma direction
Je fuis, j’ai peur qu’il me jette en prison

J’ai un rendez-vous… avec l’amour
Je sue comme un fou… rouge comme un four

Me remettant de mes émotions
Etre bredouille, je ne le veux que point
Alice sans fleur ? Ah non, hors de question
Je me décide à être l’auteur d’un larcin
Alors au grand maux les grands remèdes
J’arrache les fleurs des mains d’une aïeule
Elle crie, s’effondre, tristement décède
J’ai mes fleurs, de pauvres glaïeuls

J’ai un rendez-vous… avec l’amour
J’suis prêt à tout… s’il faut je choure

J’arrive enfin à mon rendez-vous
Alice est là, furieuse, elle me toise
J’avance, penaud, honteux je l’avoue
Il est temps pour moi de régler mon ardoise
Timidement, je montre mes mimines
Je montre mes fleurs, lui tend mes glaïeuls
Trois fleurs fanées qui ont bien triste mine
Elle les prend et me les jette à la gueule

J’ai un rendez-vous un autre jour
Franch’ment j’me fous de son amour

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